Apprendre aux femmes à se défendre en un seul stage ?
- Publié le :
- 23 septembre 2020
- Type :
- Auto-défense
- Écrit par :
- Patricia Mirouze
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Patricia Mirouze est directrice Marketing chez Salesforce et cumule 19 ans d’expérience dans ce domaine.
Elle pratique le Kung-Fu depuis 2010.
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Les stages accélérés de self défense pour les femmes, un bel exemple de Marketing expérientiel*
*Donner aux clients une expérience positive et engageante leur permet de relier des émotions positives à votre marque.
Insécurité, incivilités, sexisme, violences faites aux femmes, les faits divers abondent, créant et entretenant une situation générale de peur et d’angoisse.
Des stages « découverte » de self défense ont fait leur apparition. De 2 heures à un week-end, ouverts à tous, sans conditions particulières (puisque, le plus souvent « pas besoin d’être sportive, une bonne condition physique suffit ») avec une promesse : apprendre à se défendre physiquement, verbalement et émotionnellement ou encore maîtriser votre peur et vous donner plus de confiance en vous.
L’approche marketing est bien rodée : d’abord, la proposition de service : il est important de s’adapter au profil visé (les femmes donc principalement) en proposant d’aborder ce sujet source d’angoisse via une expérience plutôt ludique et éducative – voire dans « une ambiance conviviale ».
Ensuite, jouer sur l’émotionnel : vous avez peur ? nous pouvons vous aider. Vous vous sentez faibles physiquement, angoissées ? vous n’êtes pas seules. Et oui c’est possible en un laps de temps très court d’apprendre des techniques qui vont peut-être un jour vous sortir d’une situation d’agression.
Enfin, la structure des stages et ateliers, un bon mix de théorie et de pratique. Des exercices simples et répétés pour ancrer un réflexe, des mises en situation pour appliquer les gestes appris. Et au bout, la satisfaction client, une (pseudo) prise de conscience de votre volonté et de votre force, une impression que vous pourrez « gérer » si ça vous arrive.
Mais la promesse est illusoire.
Pour répondre à une agression, il faut être prêt·e, physiquement et mentalement, que l’on soit un homme ou une femme : une répétition de gestes hors situation, sans l’adrénaline, sans la peur, et sans un adversaire remonté à bloc, c’est comme s’entraîner à traverser la Manche à la nage dans une piscine chauffée.
J’ai suivi dans le cadre de mon entreprise une formation de 2 heures sur le thème « Faire face à la menace terroriste » par un ancien des Forces Spéciales britanniques, avec une partie théorique plutôt intéressante et une petite mise en situation (défense avec une chaise contre une attaque simulée au couteau). La plupart des personnes dans la salle (hommes et femmes) n’avaient ni le physique ni le mental nécessaires à ce type d’exercice. Certains ont trouvé cela très violent. Être soumis à de la pression sans progressivité est une vraie source de stress.
Les agresseurs sont en général des hommes. S’entraîner seulement entre femmes n’est pas adapté. En outre, utiliser des Pao pour se coller chacune son tour des grands coups de genoux, ça défoule mais c’est avant tout s’infliger sans préparation des chocs importants (articulations, cervicales).
La faiblesse physique est un fait dont on doit tenir compte. Une femme de 50 kgs qui maîtrise un type de 80 kgs décidé à l’agresser, c’est dans les films. En tant que femmes, nous avons (ou devons avoir) conscience des situations potentiellement dangereuses. Oui vous balader à 23 h, seule, dans une tenue très féminine peut vous attirer des problèmes. Ce n’est pas du sexisme, c’est un fait.
Alors quelle issue ? sans doute faire de sa santé mentale et physique une priorité.
Y consacrer du temps, accepter de partir de loin et de progresser, acquérir les bases et travailler. Répéter. Renforcer le corps et l’esprit. Ne pas confondre un travail sur le mental avec l’illusion de puissance.
La pratique du kung fu m’a permis d’abord (et continue) de travailler le corps via des exercices adaptés de renforcement, de coordination et de souplesse. Les « échanges de techniques » (combats à 2) ont commencé après quelques années d’une préparation physique, toujours progressive afin d’éviter les blessures.
Après 8 ans, je peux dire, pour l’expérimenter chaque semaine via des échanges avec sœurs et frères d’armes, que rentrer une technique contre une personne plus lourde et plus dense demande énormément de travail, impossible à assimiler en un week-end.