La pratique du Kung-Fu pendant la grossesse : Quels aménagements ? Quels bienfaits ?
- Publié le :
- 1 octobre 2021
- Type :
- Santé
- Écrit par :
- Diana J
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Sage-femme depuis 2010 dans une maternité parisienne
La pratique du Kung-Fu telle qu’elle est enseignée dans une école traditionnelle vise à améliorer la santé de l’élève, lui apprend à se défendre et amène à la pratique du Kung-Fu en tant qu’art martial.
Nous n’utiliserons donc pas ici le concept du Kung-Fu en tant qu’art martial à proprement parler, mais plutôt comme d’une pratique visant à entretenir et conserver sa santé grâce à un travail corporel de renforcement musculaire et de souplesse. En ce sens, le Kung-Fu tel qu’il est enseigné dans une École traditionnelle me paraît être une activité physique tout à fait compatible avec la grossesse. En effet, dans une école traditionnelle, l’enseignant connaît individuellement chacun de ses élèves et est à même de leur proposer un enseignement compatible avec leurs capacités physiques et leur état de santé.
Cependant avant de débuter ou de poursuivre la pratique du Kung-Fu pendant la grossesse, il conviendra tout de même de prendre quelques précautions. Avant de pratiquer pendant la grossesse (que ce soit pour le Kung-Fu ou tout autre activité sportive) il est indispensable de réaliser une consultation avec le praticien en charge du suivi de la grossesse (sage-femme ou médecin) afin de vérifier l’absence de contre-indication telle qu’une menace d’accouchement prématuré ou un retard de croissance fœtal par exemple.
De même, au vu des modifications physiologiques liées à la grossesse, il est nécessaire de mettre en place certains aménagements dans la pratique.
Sur le plan cardio-respiratoire, dès le premier trimestre on constate une augmentation de la fréquence cardiaque de la femme enceinte. Il faudra donc veiller à poursuivre la pratique dans le confort, sans arriver dans une zone d’essoufflement importante ou de fréquence cardiaque trop élevée.
D’un point de vue hormonal, c’est un véritable bouleversement qui s’opère. La progestérone sécrétée dès le début de la grossesse va avoir un effet de détente musculaire (pour permettre à l’utérus de ne pas se contracter précocement afin de pouvoir mener la grossesse à son terme), il faudra donc effectuer toute activité de renforcement musculaire en douceur et ce dès le début de la grossesse. Par ailleurs, tout renforcement de la zone abdominale est à proscrire pendant la grossesse, en particulier à la fin, lorsque le ventre est proéminent, au risque de provoquer un diastasis des grands droits (sorte de béance entre la partie droite et gauche des grands droits) difficile à corriger par la suite. De même, une contraction importante de la zone abdominale peut entraîner des surpressions au niveau du plancher pelvien déjà distendu par la grossesse.
Autre duo d’hormones de choc : les œstrogènes, présents dès le début de la grossesse, et la relaxine sécrétée de manière importante au dernier trimestre. Toutes deux ont pour effet conjugué d’augmenter de manière importante la laxité ligamentaire au niveau du bassin en vue de faciliter la mobilité de celui-ci lors de l’accouchement. Sauf que ce ne sont pas des hormones sélectives, et que leur action va contribuer à une plus grande souplesse et mobilité sur l’ensemble des ligaments du corps ! Il convient donc de s’assurer chez la femme enceinte que le travail de la souplesse et des étirements s’effectue toujours dans l’aisance et le confort. Sans vouloir aller trop loin et prendre des amplitudes d’écarts trop importantes (ce qui pourrait être tentant avec cette laxité ligamentaire accrue) au risque de se blesser et de se retrouver avec une disjonction au niveau de la symphyse pubienne par exemple en raison d’une pratique inadaptée.
Sur le plan osseux, pendant la grossesse et la durée de l’allaitement il existe un véritable remaniement du métabolisme osseux : pour répondre aux besoins en calcium du fœtus, puis du nouveau-né, on assiste à une perte osseuse transitoire chez la mère pouvant conduire à un risque de fracture plus élevé, en particulier en fin de grossesse et pendant le post-partum. Il faut donc éviter le risque de choc et de chutes pendant la pratique. Dans une École traditionnelle, les échanges ne se pratiquent qu’à un niveau relativement avancé, soit en général après plusieurs années de pratique, ce qui évite le risque d’impact ou de chute qu’on peut retrouver dans les arts martiaux habituellement.
Une fois ces précautions adoptées dans la pratique, une femme enceinte peut tout à fait poursuivre sa pratique du Kung-Fu pour entretenir sa forme physique pendant la grossesse.
Mais dans l’esprit du plus grand nombre, sport et grossesse ne font pas bon ménage…
Pourtant, en l’absence de toute contre-indication, lorsque la grossesse est normale, la Haute Autorité de Santé dans ses recommandations de 2019 préconise 150 à 180 minutes d’activité physique par semaine pendant la grossesse !
Les bénéfices du sport pendant la grossesse ne sont plus à démontrer : l’activité physique va permettre à la femme enceinte de maintenir sa condition physique et limiter une prise de poids excessive, elle va permettre une diminution des douleurs lombaires et pelviennes mais aussi vraisemblablement jouer un rôle préventif dans l’apparition de complications telles que l’hypertension gravidique ou le diabète gestationnel. Elle préviendrait également l’apparition de symptômes dépressifs dans le post parfum. Rien que ça ! et il s’agit là bien évidemment d’une liste non exhaustive.
En ce qui concerne le Kung-Fu, par le biais d’une pratique régulière, la femme enceinte va apprendre à travailler avec son souffle. Cette gestion sera un bénéfice non négligeable lors de la gestion de la douleur pendant le travail et l’accouchement. La pratique met également l’accent sur le renforcement musculaire et l’acquisition d’une plus grande souplesse, cette activité physique d’intensité modérée permettra à la femme enceinte de renforcer et assouplir son corps, ce qui sera également bénéfique lors de l’accouchement. De plus, comme toute activité physique cela permettra la sécrétion d’endorphines qui procureront un sentiment de bien-être et favoriseront un meilleur endormissement.
Au vu de tous les bénéfices apportés, c’est donc un grand oui pour une pratique raisonnable et d’intensité modérée pendant la grossesse !
Pour terminer, juste un petit mot au sujet de la reprise du Kung-Fu après l’accouchement. Avant de reprendre il faudra s’assurer d’avoir réalisé sa consultation post natale ainsi que la rééducation du périnée, avant laquelle il est formellement contre-indiqué de reprendre toute activité sportive.
Lorsque cela sera possible, la reprise de la pratique devra s’effectuer dans un premier temps en conservant les mêmes aménagements que pendant la grossesse. Puis, petit à petit, on pourra en augmenter progressivement l’intensité jusqu’à revenir au niveau d’avant la grossesse.